L’ancêtre abandonné

Lors de notre premier rendez-vous, il était arrivé avec une chemise en carton, contenant les archives de ses ancêtres et une ébauche d’arbre sur une feuille A4. Parmi ces documents épars, il y avait un vieux livret de famille ayant appartenu à ses grands-parents, quelques actes d’état civil de ses ancêtres, des notes griffonnées sur de petits bristol, deux ou trois photos d’identité, quelques lettres. Il y avait aussi une médaille. Sa demande était la suivante : remonter sa branche paternelle le plus loin possible.

A la recherche des ancêtres paternels

Les recherches ne présentaient pas de difficultés majeures. Nous étions en France, dans le Puy-de-Dôme, que ses grands-parents avaient quitté pour venir chercher du travail à Paris dans les années 1930. Ils avaient pour la plupart échappé à la grande guerre, trop jeunes ou trop vieux pour être mobilisés. Le grand-père avait été mobilisé puis démobilisé rapidement en 1940 et avait passé l’occupation en exode, chez ses parents, en Auvergne. Le travail à la ferme dans ce village isolé l’avait préservé de la faim et des privations. La période avait été difficile, mais la famille ‘n’avait pas souffert outre mesure.

Ses ancêtres n’ayant jamais quitté la région, les recherches avançaient rapidement. Naissance, mariage, décès. 

Jusqu’à cet aïeul, prénommé Alexis. Et dont l’acte de naissance daté de septembre 1836 précisait qu’il était un enfant abandonné.

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L'ancêtre abandonné

L'ancêtre inconnu

Aucune indication quant à sa filiation, il est âgé d’une semaine quand le directeur de l’hospice vient faire sa déclaration. Les seules informations dont on dispose concernent son trousseau. 

On peut lire sur l’acte, une coiffe en indienne noire à petits careaux (il s’agit d’un bonnet en toile de coton à motif) ; deux bourasses en étoffe bleu (il s’agit soit d’un lange, d’une couverture d’enfant, ou encore d’un maillot) ; un drapeau (un drap), une chemise ; un morceau de pièce en guingan à petits careaux (un morceau de tissu en coton assez fin).

A défaut de filiation, ces quelques éléments apparaissent comme autant d’informations sur ses origines : cet enfant n’est simplement enveloppé d’un lange, il est vêtu et il semble qu’on en a pris soin.

Plus tard, grâce aux recensements, on retrouvera cet enfant placé dans une famille de la région. Il est mentioné comme « le fils naturel » de la « soeur du chef de famille ».
Il ne porte que son prénom Alexis, et le nom qu’il lui a été donné dans l’acte de naissance, sonne davantage comme un deuxième prénom.

S’il est bien l’enfant naturel de cette femme, il n’y a aucun acte « officiel » qui l’atteste. Peut-être l’a-t-elle abandonné dans un moment de désespoir, puis s’est-elle ravisée et est-elle ensuite revenue le chercher ?
Et s’il ne l’est pas, cette femme l’a choisi comme fils, et le fait passer comme tel auprès de l’autorité en charge du recensement.

Mais dans tous les cas, cela indique que l’enfant a été parfaitement accepté et intégré par sa famille d’accueil, si bien, qu’adulte, on le retrouve comme gendre du « chef de famille ». Il a épousé la jeune fille avec qui il a grandi -peut-être sa cousine – et fonde quelques temps après sa propre famille

Le descendant ému

C’est avec beaucoup de délicatesse que j’ai alors entrepris de raconter le résultat de mes recherches à ce descendant qui a été très ému de savoir que son nom venait probablement d’un prénom donné à un petit enfant abandonné. Quelque peu déçu de ne pouvoir remonter davantage cette branche, il était profondément reconnaissant à la famille qui l’avait doublement adopté. En le recueillant d’abord et en le laissant épouser la jeune fille de la famille, lui, l’enfant abandonné,  allait avec elle être à l’origine d’une longue descendance.

Cet article a 2 commentaires

  1. Briqueloup

    Un beau titre, une histoire tendrement confiée, une mission assumée avec beaucoup de justesse et de tact.

    1. Merci beaucoup, c’était une jolie recherche, avec des découvertes émouvantes, ce qui fait là tout l’intéret de la généalogie.

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